
Confesser Dieu en vérité (suite)
Une nouvelle manière de vivre
38 Établi par sa foi dans la vérité, le croyant entre dans une nouvelle manière de vivre. Le don de la vie divine qui lui est fait avec le baptême n'est pas sans conséquence sur son comportement de tous les jours, si du moins il se montre fidèle au don reçu.
En quoi donc se distingue-t-il des autres?
La foi chrétienne se vit au coeur du monde. Elle n'arrache pas le croyant à sa condition humaine. Comme les autres, les chrétiens sont soumis aux événements qui jalonnent leur histoire. Ils connaissent les mêmes joies et les mêmes peines. Et cependant leur existence doit, d'une manière ou d'une autre, rendre témoignage au Dieu unique et vrai révélé en Jésus Christ le Seigneur, dans la vérité duquel leur foi les enracine.
Dans son exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, Paul VI montre comment la vie des chrétiens peut, dans ces perspectives, être par elle-même un premier acte d'évangélisation: "Voici un chrétien ou un groupe de chrétiens qui, au sein de la communauté humaine dans laquelle ils vivent, manifestent leur capacité de compréhension et d'accueil, leur communion de vie et de destin avec les autres, leur solidarité dans les efforts de tous pour tout ce qui est noble et bon. [...] Par ce témoignage sans paroles, ces chrétiens font monter, dans le coeur de ceux qui les voient vivre, des questions irrésistibles. Pourquoi sont-ils ainsi? Pourquoi vivent-ils de la sorte? Qu'est-ce ou qui est-ce-qui les inspire?" (EN 21).
39 Sans doute, la manière de vivre des chrétiens ne correspond-elle pas toujours aux orientations découlant de la foi chrétienne. Les "nouveaux païens" de l'époque moderne sont souvent d'anciens chrétiens qui ont oublié leurs racines, à moins qu'ils ne s'en soient coupés délibérément. Même ceux qui n'ont pas renié l'Évangile comme idéal de vie ni renoncé à leur appartenance chrétienne peuvent être de médiocres témoins.
En effet, vivre selon l'Évangile ne va pas de soi. Mais les difficultés ne sont pas seulement à déplorer. Sans doute, la foi peut grandir sans beaucoup de confrontation. Cependant, plus elle est mise à l'épreuve, par la rencontre de franches oppositions ou par l'ambiance d'oubli pratique de Dieu, plus il lui arrive de manifester sa nouveauté. Dans nos pays, où l'indifférence religieuse s'est largement répandue, l'éveil à Dieu se réalise d'une façon renouvelée. Des enfants, parfois des jeunes et des adultes, savent que, pour affirmer leur foi et vivre en chrétiens, il faut un réel courage. Pourtant ils ne reculent pas devant les affrontements qui les attendent.
40 Croire ne va pas sans témoigner. Le "oui" chrétien à Dieu implique un certain nombre de "non" par rapport aux orientations du monde. Il ne s'agit pas de refuser le monde ou de le fuir. Il s'agit de refuser ce qui, dans les structures et les moeurs du monde, se ferme à Dieu et éloigne de lui: l'égoïsme le mensonge, l'injustice sous toutes ses formes...
Un tel choix de vie peut, dans certaines circonstances, conduire au martyre (ce mot est la transcription du terme grec qui signifie "témoignage"). Le témoignage n'est pas pour autant réservé à une élite de croyants. C'est la vocation de tous les baptisés, comme l'a encore rappelé le concile Vatican II: "Car tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont tenus de manifester de telle manière, par l'exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l'homme nouveau qu'ils ont revêtu par le baptême et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la confirmation, que les autres, considérant leurs bonnes oeuvres, glorifient le Père (cf. Mt 5,16) et perçoivent plus pleinement le sens authentique et le lien universel de communion des hommes." (AGD 11)
41 Les conditions actuelles de la vie chrétienne demandent de plus en plus aux chrétiens de former une Église de témoins, prêts à dire "oui" à Dieu comme Dieu, trouvant en lui le sens radical de leur vie et le préférant à tout le reste. Ils sont provoqués à faire leur la réponse de Jésus à Satan, lors de la tentation au désert: "Il est écrit: Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras." (Lc 4,8)
Dans ce contexte, les croyants sont appelés à faire valoir sereinement la foi qui les fait vivre, en rayonnant la paix, même au-delà du déchirement, et en laissant entrevoir les horizons insoupçonnés qu'ouvre cette foi. Celle-ci est, à leurs yeux, un bien trop précieux pour qu'ils ne soient pas portés à vouloir la communiquer, non pas en empruntant les chemins trop humains de la propagande, mais plutôt en reprenant la proposition de Jésus à ses premiers disciples: "Venez et voyez." (Jn 1,39)
42 Le chemin de la foi est un chemin de mise à l'épreuve et de liberté. Au fur et à mesure qu'il s'y engage, le croyant découvre que c'est aussi une oeuvre de la grâce. Car sa fidélité est soutenue par une fidélité plus forte que la sienne: la fidélité du Dieu sur lequel il joue sa vie.
Le cheminement de la foi se confond ainsi avec la découverte toujours plus approfondie que l'homme n'est et ne demeure fidèle à Dieu que parce que Dieu est et demeure totalement, inconditionnellement, fidèle à l'homme: à chaque être humain, en son histoire personnelle, et à l'humanité tout entière.
Cette fidélité de Dieu à l'homme se manifeste dans le dialogue ininterrompu qu'il institue avec lui. D'Abraham à Marie et du peuple d'Israël à l'Église d'aujourd'hui, Dieu apparaît comme celui qui ne cesse de se révéler et d'aller au-devant des hommes dans un geste d'amour.
Catéchisme des évêques de France
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